


Vétérinaire et apicultrice, je rencontre souvent de l’incompréhension concernant les traitements destinés aux abeilles ainsi qu’une méconnaissance de la législation.
L’abeille, commençons par elle, est considérée comme animal domestique « producteur de denrée alimentaire ». En tant qu’apiculteur nous devons nous enregistrer auprès de l’AFSCA, comme détenteur d’abeille, et ce, même si nous ne produisons pas de miel. Le miel est une denrée alimentaire pouvant être consommée par l’homme. L’apiculteur a donc un rôle au niveau de la chaine alimentaire. Comme n’importe quel autre producteur. Il y a donc des règles à respecter.
La législation impose que tout médicament à usage vétérinaire, dispose d’une AMM et soit vendu par une pharmacie, prescrit ou fourni par un vétérinaire (AR 23 mai 2000). Si votre vétérinaire vous fourni le médicament, ce dernier doit être accompagné d’un DAF « Document d’Administration de Fourniture » (AR 19 décembre 2002) et ce, même si le médicament est en vente libre ! Contrairement aux idées reçues, ce document n’est pas entièrement gratuit pour le vétérinaire, le document lui-même est disponible en ligne mais l’étiquette officielle qui doit s’y trouver doit être fournie par l’Arsia, sur commande, avec des frais d’impression, d’envoi et administratifs.
L’apiculteur doit également consigner dans un registre, le nom du médicament, la date du traitement, le temps d’attente pour le miel. Ce registre pourra être demandé en cas de contrôle et doit être conservé durant 5ans.
Un médicament avec AMM, c’est quoi ? AMM veut dire « Autorisation de Mise sur la Marché ». Il s’agit d’une procédure d’enregistrement des médicaments. Lorsqu’une firme souhaite commercialiser un produit, elle doit introduire un dossier. Cette procédure demande des études de terrain, du temps, des démarches administratives et cela a un coût important. Ce dossier sera présenté à l’AFMPS (agence du médicament) pour une demande d’AMM belge ou à la Commission européenne, pour une demande d’AMM européenne, qui concernera alors les états membres de l’Union Européenne. Il y aura évaluation du bénéfice/risque, aussi bien pour l’animal que pour l’humain. Le médicament doit présenter une qualité pharmaceutique, une sécurité et une efficacité acceptable. Lorsque l’AMM est accordée, le médicament peut être commercialisé pour une durée déterminée. Elle peut être renouvelée ou pas. En cas de non renouvellement, le médicament ne sera plus produit. Ce qui explique que certains étant disponibles il y a quelques années, ne le sont plus aujourd’hui, par exemple.
Toute cette procédure, justifie le prix d’un médicament. La firme pharmaceutique souhaite que son produit soit rentable et s’il est trop peu vendu, il risque d’être supprimé. C’est une partie du cercle vicieux que nous rencontrons en médicaments apicoles. Nous avons quelques médicaments, mais bien souvent avec les mêmes familles de substances, rien de nouveau malheureusement. En n’utilisant pas les produits disponibles, ceux-ci risquent d’être tout simplement retirés du marché.
Les acides organiques se trouvent en magasin apicole, droguerie ou magasin de bricolage, sous forme de poudre ou déjà dilués, ils ont un coût moindre et un accès facile, peut-on les utiliser ?
Et bien non ! Ce ne sont pas des médicaments… Ils n’ont pas d’AMM, pas de notice et aucun test n’a été réalisé sur les animaux. La substance a le même nom, mais la pureté du produit n’est pas la même, il n’y a aucune garantie de concentration exacte. Ce sont des produits prévus pour être utilisés comme agents corrosifs ou blanchissants, d’où leur faible prix. Il est interdit de les utiliser et c’est sous votre entière responsabilité, avec un risque pour la santé de vos abeilles, mais aussi la vôtre.
Cas d’un médicament indisponible : exemple du VarromedⓇ. Beaucoup d’apiculteurs m’ont demandé pourquoi il n’y avait plus de VarromedⓇ alors qu’il est autorisé par l’AFSCA. Ce médicament dispose en effet d’une AMM européenne, mais ce n’est pas pour cela qu’il est disponible ! Voici le cas d’un produit autorisé mais difficilement accessible. La firme impose des quotas de vente importants et les grossistes ne renouvèlent pas les contrats, car ils trop d’invendus et des périmés dans leurs stocks. La crise sanitaire a également eu un impact sur la production qui avait fortement diminué.
J’en profite pour vous informer de plusieurs changements, suite au nouveau Règlement (EU 2019/06) qui est entré en vigueur au 28/01/2022. La Belgique doit s’aligner sur des décisions européennes concernant les médicaments vétérinaires. Pour les abeilles, qu’est-ce qui change ? Nous aurons l’autorisation d’utiliser des médicaments disponibles en Europe et plus uniquement chez nous. La règle reste la même pour la fourniture : via vétérinaire ou pharmacie. Le modèle de DAF va être modifié ainsi que les ordonnances. Pour les médicaments non disponibles, le vétérinaire, sous sa responsabilité, peut toujours activer la « cascade » qui est également simplifiée.
En conclusion, en tant que détenteur d’abeilles, soumis aux règles de l’AFSCA, vous devez utiliser en traitement un médicament avec AMM, enregistré pour l’abeille. La liste des médicaments autorisés au niveau belge et européen sera bientôt publiée, mais elle est déjà disponible chez les vétérinaires apicoles. Le vétérinaire, professionnel de la santé animale, est à même de vous conseiller pour les traitements et la bonne utilisation des médicaments. Nous sommes de plus en plus nombreux à nous être formés à la santé des abeilles et sommes ouverts à la discussion. Une liste des vétérinaires ayant un intérêt apicole est disponible sur le site : http://www.varroa.be
Dr Caroline Salmon, membre du GT Abeille de l’UPV